• In French - An interview with Andrew Davies

    Le célèbre scénariste britannique Andrew Davies, au cours de sa longue carrière artistique, a adapté pour l'écran les meilleurs écrivains de différentes générations: Jane Austen, Charles Dickens, Boris Pasternak ou encore Léon Tolstoï.

     

    sputnik

    Inteview

    08.12.2016

     

    C'est à lui également que l'on doit la série politique à succès House of Cards, qui a battu des records d'audience aux USA et au Royaume-Uni. Invité d'honneur du Salon du livre Non/Fiction de Moscou, il est venu dans la capitale russe au sein d'une délégation britannique dont la présence a été gérée par le British Council. Dans une interview accordée à Valeria Vyssokossova de RIA Novosti, le scénariste explique comment il a surmonté la peur face aux grands classiques, dévoile quel autre roman russe il voudrait adapter et analyse pourquoi les spectateurs russes et britanniques ont différemment réagi à "son" Guerre et Paix.

    On peut dire que vous êtes spécialisé dans l'adaptation des grands classiques littéraires. Comment en êtes-vous arrivé là?

    Oui, je pense que c'est le cas. A mes débuts j'écrivais de tout: des histoires pour des enfants et des adultes, des pièces pour la radio et le théâtre… Comme j'enseignais à l'école et à l'université, je connaissais bien la littérature classique également. J'ai eu la grande chance d'adapter à la télévision certaines œuvres et mon premier véritable grand succès fut l'adaptation d'Orgueil et Préjugés (roman de l'écrivaine britannique Jane Austen). Dès lors, tout le monde voulait que j'écrive encore et encore. C'est à ce moment que l'adaptation est devenue mon activité principale.

    Lequel de vos scénarios préférez-vous le plus?

    Je les aime tous mais en ce moment je préfère Guerre et Paix — car je l'ai écrit récemment. Orgueil et Préjugés (dont l'adaptation a été diffusée en 1995 sur la BBC) a changé ma vie et m'a apporté une grande célébrité. Je dois beaucoup à cette adaptation.

    Que ressentez-vous quand vous voyez votre nom à côté de ceux de grands écrivains russes et britanniques comme Léon Tolstoï, Boris Pasternak, Jane Austen et Charles Dickens?

    Aujourd'hui je suis plus calme, mais en début de carrière je ressentais de l'inquiétude et de la peur car le roman de Jane Austen commence par cette scène connue: la femme persuade le mari de rendre visite à un jeune homme aisé qui pourrait être l'époux d'une de ses filles… Si j'avais commencé par ce même fragment qu'Austen, j'aurais finalement copié le livre. Alors que je voulais tout de même écrire quelque chose venant de moi. C'est pourquoi dans ma première version l'action commence par le moment où monsieur Bingley et monsieur Darcy arrivent dans le village. Après cela la peur est partie. Chaque fois que je commence de travailler sur une nouvelle grande œuvre je me pose la question: "Alors? Arriveras-tu à écrire Guerre et Paix?" Et je réponds immédiatement: "J'ai adapté Le Docteur Jivago, Middlemarch, La Maison d'Âpre-Vent… J'y arriverai aussi."

    Les avis sont partagés: soit les spectateurs adorent la série, soit ils la désapprouvent fortement. Comment réagissez-vous à la critique?

    Bien sûr, je voudrais que les gens apprécient cette version de Guerre et Paix. Le scénario a été écrit pour le public russe et britannique, qui sont deux audiences complètement différentes. La plupart des Britanniques, hormis les connaisseurs et les amateurs de littérature russe, ont, dans le meilleur des cas, commencé à lire ce roman sans pouvoir le terminer. D'autres n'ont jamais entendu parler de ce livre. Je l'ai donc présenté à des personnes qui en ignoraient complètement le sujet.

    En Russie, au contraire, tout le monde a lu Guerre et Paix à l'école et beaucoup apprécient ce roman. Chaque lecteur a sa propre vision du roman, s'est imaginé à quoi ressemblaient les héros en lisant… Et je peux comprendre leur indignation en voyant Paul Dano, James Norton ou Lily James. Certains ont pu penser: "Non, pourquoi ils ont cette apparence, pourquoi ils parlent anglais?" Pendant une interview ouverte à Moscou (organisée avec Andrew Davies par le British Council le 2 décembre) une participante a dit: "Pardon de le dire, mais votre adaptation ressemble à un film de Walt Disney avec un soupçon de motif social". Je la comprends aussi car chacun a sa propre vision de Guerre et Paix — différente de la mienne. Mais je n'ai pas commis un grand crime, je n'ai fait que proposer ma propre vision. Je n'ai pas détruit le roman: il existe toujours et n'importe qui peut proposer une autre version.

    Avez-vous participé au choix des acteurs?

    Oui, en tant que producteur exécutif cela faisait partie de mes fonctions. Le casting était une partie très importante du processus, notamment celui des jeunes actrices. J'ai visionné une cinquantaine d'enregistrements des prétendantes aux rôles principaux et heureusement nous étions tous d'accord sur Paul Dano et Lily James, mais nous avons beaucoup débattu sur celui qui jouerait le rôle d'Andreï Bolkonski. James Norton était incroyablement populaire en Angleterre.

    Comment avez-vous choisi les éléments du livre à conserver et ceux à mettre en sourdine?

    Je travaille de la même manière avec tous les romans. Avant tout, il faut comprendre de qui en réalité parle le livre. Parfois, un héros se retrouve au centre du sujet, parfois plusieurs. Dans Guerre et Paix les lignes se croisent et il y a trois personnages principaux — Pierre, Andreï et Natacha. J'ai construit l'action autour d'eux et c'est pourquoi il m'était plus facile de décider quels fragments devaient rester ou être supprimés. Bien sûr, il y a d'autres héros importants dans le roman: Nikolaï, par exemple, que nous aimons, nous voulons qu'il grandisse, qu'il se marie avec une magnifique jeune fille… Mais c'est précisément ce que je fais avec les personnages. Selon moi, mon adaptation porte plutôt sur l'amour que sur la guerre. Cela s'explique notamment par le fait qu'il est très difficile de créer la guerre: il faut beaucoup de figurants, d'explosions et de débris.

    Avez-vous vu le film de Sergueï Bondartchouk avant de commencer votre travail? Il a tourné Guerre et Paix en 1976 et son adaptation est considérée comme la meilleure.

    Non, je ne l'ai pas vu. En général je prends connaissance des adaptations précédentes avant d'entamer mon travail mais le film de Bondartchouk m'effrayait un peu, je pensais: "En le voyant je pourrais décider qu'il est si excellent que je ne pourrais pas surenchérir". Maintenant je sais que j'ai fait de mon mieux et cela ne fait plus aucune différence si la réalisation de Bondartchouk est excellente et la mienne horrible (rire).

    Quel roman russe voudriez-vous encore adapter?

    Honnêtement je ne sais pas. J'en ai déjà fait deux et je voudrais encore travailler avec un autre. Lors de la rencontre avec les spectateurs quelqu'un a proposé Le Maître et Margueritte. Alors que je pensais à L'Idiot de Dostoïevski.

    Que pensez-vous des Frères Karamazov?

    Ou ce roman, oui.

    Avez-vous regardé des séries russes? Que pensez-vous des séries en Russie?

    Non, je n'en ai vu aucune. Si je ne m'abuse, il s'agit essentiellement du divertissement mais il y a probablement de bons drames également?

    Difficile à dire… Je pense que nos séries télévisées n'arrivent pas au niveau des séries britanniques et américaines. Et avez-vous vu des films russes?

    Et, j'ai honte de le dire, je n'ai pas vu de films russes non plus. Il y a longtemps je regardais les classiques: Eisenstein, L'Enfance de Gorki de Donskoï, des films anciens des années 1930 et 1940, voire du début du siècle. Quelles séries regardez-vous? Avez-vous une émission télévisée préférée? J'aime bien Doctor Who, nous l'avons regardée avec les enfants. Maintenant je regarde de nombreuses séries sur Netflix, ces derniers temps, par exemple, The Crown sur les jeunes années de notre reine. Je trouve que c'est une merveilleuse série. Je regarde également la version américaine de House of Cards (Andrew Davies était le scénariste de la version britannique de la série éponyme), elle est excellente. Elle change beaucoup de ce que j'ai écrit car le système politique américain est très différent de son homologue britannique. Vous savez, ils m'ont payé une grande somme d'argent pour "arracher" de mon histoire tout ce qu'ils voudraient (sourire). J'espère qu'elle durera plusieurs saisons — j'ai entendu dire qu'ils en planifiaient sept.

    Avec qui voudriez-vous travailler à l'avenir?

    J'ai travaillé avec de nombreux réalisateurs, je pense que je voudrais collaborer avec Steven Spielberg pour savoir ce que c'est. Curieusement, pendant la création de films c'est le réalisateur qui mène le bal, il est le chef. A la télévision le scénariste est plus important, c'est pourquoi j'aime mon métier (sourire). Sur quoi travaillez-vous actuellement? J'écris un scénario sur Les Misérables de Victor Hugo, une mini-série de 6 heures.

    Qui jouera les rôles principaux?

    Je ne sais pas encore, le travail n'est pas encore terminé. Nous commencerons le casting dès que je terminerai l'écriture.


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