«La taupe» de Tomas Alfredson -
Lundi 24 octobre à 20h55 -
arte
En pleine guerre froide, un traître se cacherait à la tête du renseignement britannique. En "préretraite", l'agent Smiley est rappelé pour mener l'enquête... Une adaptation magistrale d'un palpitant roman de John le Carré, avec une distribution éblouissante : Gary Oldman, Colin Firth, Tom Hardy, Benedict Cumberbatch et John Hurt.
Trois bonnes raisons de voir «La taupe»
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Plus de trente ans après une mini-série avec Alec Guinness diffusée sur la BBC, Tomas Alfredson s’attelait en 2011 à une nouvelle adaptation du roman du maître de l’espionnage John Le Carré, Tinker, tailor, soldier spy, publié en 1974. Ce réalisateur suédois avait été remarqué quelques années plus tôt grâce à son quatrième long métrage, Morse, une relecture originale, d’une glaçante sobriété, du film de vampires.
Alfredson quitte la banlieue suédoise enneigée de son précédent film mais l’atmosphère ne se réchauffe pas pour autant. Nous sommes à Londres, dans les années 70, en pleine Guerre froide. A la suite d’une opération qui a mal tourné, le directeur du MI6 (le Service de renseignements extérieurs britannique) et son dévoué agent Smiley sont licenciés. Mais ce dernier reprendra vite du service pour accomplir une mission délicate : démasquer enfin la taupe qui a infiltré le sommet du « Cirque », terme qui désigne le siège du MI6.
A l’opposé de l’univers forain auquel renvoie le nom du bâtiment, le film nous plonge dans le monde austère et labyrinthique des agents secrets. Si la traque est au cœur du récit, les amateurs de course-poursuite échevelée en seront pour leurs frais, de même que les amoureux d’effets spéciaux bluffants et de montage frénétique.
Certes, les agents partent en mission à Budapest, Paris ou Istanbul. Mais leurs pérégrinations les conduisent essentiellement dans des salles d’archives et de réunions fort peu clinquantes. On est dès lors d’autant plus frappé par la douce incongruité de la séquence de la fête de Noël, surtout lorsqu’on y entend l’hymne soviétique repris en chœur par les agents anglais.
Le spectateur se perd volontiers dans les méandres d’une intrigue complexe, émaillée de multiples flash-backs qui charrient leurs lots de secrets et de regrets. Au-delà de son charme rétro (les messages envoyés par télex, une reprise de La Mer de Trenet par Julio Iglesias), le film emporte l’adhésion grâce à l’élégance et à la rigueur d‘une mise en scène qui évite les affèteries. Aussi précis qu’un joueur d’échecs, Tomas Alfredson parvient à rendre captivantes des conversations opaques filmées à travers une fenêtre.
La froideur des rapports entre les personnages se retrouve dans la palette de gris et de beiges choisie par le chef-opérateur Hoyte Van Hoytema. Une esthétique blafarde qui a séduit Hollywood puisque ce directeur de la photo, inconnu il y a dix ans, a été depuis recruté pour des blockbusters comme Interstellar ou 007 Spectre.
Une pointe d’humour british et un soupçon de mélancolie donnent une épaisseur supplémentaire à ce film d’espionnage qui se présente aussi comme un Who’s who du cinéma britannique. Au moins trois générations d’acteurs y livrent de solides compositions, du vétéran John Hurt aux jeunes loups Tom Hardy et Benedict Cumberbatch, en passant par Colin Firth, Ciarán Hinds, Mark Strong et surtout l’impeccable Gary Oldman qui, même derrière d’épaisses lunettes, conserve un drôle de charisme nonchalant.
Julien Dokhan
Générique
Auteur : John le Carré
Réalisation : Tomas Alfredson
Image : Hoyte van Hoytema
Montage : Dino Jonsäter
Musique : Alberto Iglesias
Production : Studiocanal, Karla Films, Paradis Films, Kinowelt Filmproduktion, Working Title Films
Producteur/-trice : Tim Bevan, Eric Fellner, Robyn Slovo
Scénario : Bridget O'Connor, Peter Straughan
Avec : Gary Oldman, Colin Firth, Tom Hardy, Benedict Cumberbatch, John Hurt, Toby Jones
Pays : France, Allemagne
Année : 2011
Origine : ZDF